Fabienne Morand

Fabienne Morand

Journaliste RP Freelance, Vaud, Suisse

Rencontre

Entre graisse et poussière avec plaisir et sourires

En Suisse romande, les mécaniciennes en machines agricoles se comptent sur les doigts des mains. Pourtant, celles qui ont franchi le pas d’un atelier n’ont pas eu de difficultés à trouver un employeur et ne regrettent pas leur choix.

Article paru le 13 septembre 2019 dans Agri Hebdo. Textes et photo: Fabienne Morand. PDF

Aurélie Tâche fait partie de ces personnes que l’on n’oublie pas. Une femme avec qui le contact est facile, car elle est communicante, souriante, énergique, enjouée, avec du caractère, sans pour autant être caractérielle, et son charmant accent du terroir vaudois ne gâche rien. A 25 ans, elle a deux CFC en poche, celui de polymécanicienne et de mécanicienne en machines agricoles pour lequel elle a reçu le prix du mérite. Deux formations complémentaires, car après avoir appris à fabriquer un moteur, elle sait désormais le réparer.

A la suite de plusieurs stages dans différents ateliers, c’est chez Aficor à Chanéaz (VD) qu’Aurélie Tâche a choisi de signer son premier, puis second, contrat d’apprentissage. Et elle y travaille toujours car elle aime pouvoir toucher à tout et créer. Son patron, Dominique Cornu, fourmille d’idées pour développer des machines sur mesure. «J’aime imaginer et réfléchir à comment monter les pièces», explique Aurélie Tâche qui apprécie les assemblages sur grosses machines et la réparation des porteurs et processeurs forestiers. Les moteurs, l’hydraulique, l’électricité et la soudure sont ses points forts. Aucun travail ne la rebute. «J’ai toujours voulu être mécanicienne en machines agricoles. J’ai grandi dans une ferme où mon père adorait bricoler et j’étais souvent à ses côtés. Dès 14 ans, je bottelais la paille pour son entreprise», raconte-t-elle avant de retourner assembler la rainureuse pour béton que son employeur a développé pour Jossi Farm Equipment afin que l’utilisateur n’ait plus à la pousser uniquement à la force des bras.

Diversité et motivation
Se rendre à l’étranger pour réparer ou réviser des fendeuses à bois fabriquées par son patron, Aurélie Tâche apprécie également. En fait, le froid, la poussière, la chaleur ou la graisse, rien n’arrête celle qui a épousé un bûcheron. Il n’y a qu’une odeur jusqu’ici qu’elle n’est pas impatiente de retrouver, c’est celle de la station d’épuration de Vidy où elle est allée démonter les vérins. Une odeur qui colle à la peau, contrairement à celle d’un évacuateur à fumier à laquelle on s’habitue plus facilement selon elle.

FORMATION REQUISE
L’apprentissage de mécanicienne en machines agricoles dure quatre ans. Pour les Vaudois, Genevois et Valaisans, les cours théoriques ont lieu à Lausanne (VD) et les cours pratiques à Aarberg (BE). Les apprentis doivent rester plusieurs jours en Suisse allemande et dorment sur place en général. «C’était génial, je donnerais tout pour y retourner», souligne Aurélie Tâche qui n’a jamais croisé une autre apprentie durant sa formation. Si elle a particulièrement apprécié l’ambiance, elle a aussi aimé les cours de soudure, de tournage, perçage, etc. De plus, à en croire les personnes interrogées, trouver une place d’apprentissage dans ce métier, même en tant que fille, n’est pas difficile, il y a même le choix. Pour plus de renseignements: www.agrotecsuisse.ch

Aurélie Tâche doit parfois aussi se rendre chez un agriculteur pour un dépannage. «Quand le client a un problème et qu’on le répare, c’est une sensation très chouette. J’aime avoir de la graisse au bout des doigts et me retrouver sous une moissonneuse-batteuse par 40 degrés avec de la paille d’orge qui pique, cela ne me dérange pas», sourit-elle.

Vu le nombre de mécaniciennes romandes en machines agricoles qui se comptent sur les doigts des mains, la question du machisme se pose. Et Aurélie Tâche de rétorquer: «Il y en a toujours et ils me font rire, mais la plupart des clients sont très galants et gentils. Je n’ai jamais eu de problème parce que je suis une femme, je m’entends avec tout le monde et j’aime rigoler». Si une lectrice hésite à choisir cette formation, la jeune professionnelle lui répondrait de «faire ce qu’elle aime, de foncer et d’être toujours motivée. Quand on veut, on peut. Bien entendu, maîtriser les mathématiques, la physique est nécessaire, tout comme avoir de la logique est indispensable». Avis aux intéressées.


C’est vous qui le dites
Pourquoi avez-vous choisi ce métier?

Fanny Paupe, 19 ans, Court (BE)

«J’ai d’abord travaillé deux ans dans la mécanique agricole, mais des soucis de santé m’ont fait bifurquer vers les appareils à moteur. Je viens d’entamer ma 4e année d’apprentissage. Heureusement, j’ai pu rester dans le même atelier, chez Chapatte à Vicques (JU) qui a un atelier agricole et un pour les espaces verts. J’aime ce métier car c’est diversifié, je ne fais jamais deux jours la même chose, même si cette fin d’été j’ai installé beaucoup de tondeuses automatiques chez des privés. Sinon je reste principalement à l’atelier. Ce sont des machines plus petites et les clients les amènent pour les réparer. Il est important de faire ce que l’on a envie, de ne pas avoir peur de ce que les autres vont penser de soi.»

Cindy Perrenoud, 16 ans, Lamboing (BE)

«J’ai effectué des stages dans beaucoup d’endroits et la mécanique agricole m’a plu, mon papa est agriculteur. Je suis en 2e année d’apprentissage en mécanique agricole chez MBM Agro-Forest à Lignières (NE). Mélanger mécanique et agriculture me plaît beaucoup, j’ai essayé la micromécanique, mais être à l’intérieur ne m’a pas enchantée. Alors que là, il y a plus de liberté, on est dedans et dehors, il y a des déplacements et c’est très varié. Ma partie favorite est la construction métallique. J’aime réaliser des pièces. Je conseille aux filles qui hésitent de redoubler d’efforts pour le calcul à l’école et d’effectuer des stages d’au moins une semaine, car le travail peut être très varié d’un garage à l’autre.»

Aurélie Jacquemoud, 31 ans, Evionnaz (VS)

«Je suis la première romande avoir réussi un CFC de mécanicienne en machines agricoles. Je voulais suivre l’école d’agriculture, mais mon papa m’a suggéré d’avoir d’abord un autre métier. Je me suis dit que la mécanique agricole pourrait me servir et finalement je n’ai pas quitté cette profession. Je m’occupe désormais des machines de mon mari, agriculteur avec une entreprise agricole, surtout pour les travaux de fenaison. J’aime ce métier car c’est très varié entre l’électricité, l’hydraulique et la construction. La formation est complète et il faut toujours suivre l’évolution de la technologie. On n’a jamais fini d’apprendre. Pour ce métier, il faut aimer les maths et se salir les mains mais il y aura toujours du travail.»