Fabienne Morand

Fabienne Morand

Journaliste RP Freelance, Vaud, Suisse

Reportage

Emotion pour l’ultime service des Ravet à l’Ermitage

Bernard Ravet et sa famille viennent de fermer les portes de leur Hôtel-Restaurant de l’Ermitage à Vufflens-le-Château. Reportage lors de la dernière soirée.

Article paru le 2 août 2022 dans La Côte. Texte: Fabienne Morand. Photo: Michel Perret. PDF

Le silence de la cuisine tranche avec le tintamarre des 41 convives installés de l’autre côté du couloir du restaurant de l’Ermitage à Vufflens-le-Château. «Nous faisons toujours attention au bruit», répond d’une voix douce Guy Ravet. Avec l’ensemble de sa famille – parents, soeurs, neveu et beaux-frères – le cuisinier oeuvre
pour leur dernier service. Un menu «que l’on prépare depuis un mois», relève Bernard Ravet. Avec son épouse Ruth, il a fondé ce lieu emblématique il y a 33 ans.

Ce samedi 30 juillet est un soir pas comme les autres. Cette famille attachante et accueillante cuisine pour la dernière fois. Aucun des trois enfants ne souhaite reprendre le flambeau. Bernard Ravet a donc décidé de fermer et vendre l’Ermitage. «Quand nous sommes arrivés, il y avait des orties dans la maison. On a bien travaillé», sourit Ruth Ravet en indiquant une photo de la bâtisse à leur arrivée.

Cuisiner et servir en famille

Pendant ce temps-là, en cuisine, son époux Bernard, son fils Guy, ses beaux-fils Douglas et Nicolas, ainsi que son petit-fils Léo préparent les agnolotti aux petits pois. C’est le quatrième plat d’un menu qui en compte huit. Parmi les invités, Urs Heller, directeur de GaultMillau Suisse.

A l’issue de l’apéritif, il a rappelé quelques chiffres dont «le record fédéral de Bernard Ravet qui compte 19 points chez nous depuis 29 ans! Cela fait 60 ans qu’il est aux fourneaux sans jamais avoir baissé sa haute qualité». Bernard et Ruth, bras dessus et bras dessous écoutent. Le couple partage le même chemin depuis 57 ans, dont 55 ans de mariage. «C’est évidemment un jour pas comme les autres, réagit Guy Ravet. Nous sommes humains et il faut accepter qu’il y ait des émotions. C’est aussi pour cela que ce soir nous avons prévu davantage de convives que la trentaine habituelle, ainsi nous serons occupés en cuisine.» Un espace où il y a rarement une parole d’échangée, chacun connaît son rôle à la perfection.

De rares fois émane un doux «on y va». Comme celui que Nathalie Ravet Quinche a lâché à 19h20 pour lancer le service du deuxième amuse-bouche, un rigatoni d’escargot et ratatouille. Pour ce dernier soir, la spécialiste des vins a invité Rodrigo Banto, l’oenologue de la Cave de La Côte, à la seconder.
Dès l’installation de la famille Ravet à Vufflens-le-Château, ils ont collaboré pour développer des vins. Ce soir, la cuvée anniversaire de Bernard Ravet, l’impériale BR75 de 2018, a notamment été servie. Un vin composé de Merlot à 75%, de Divico et de Gamaret.

Des émotions contenues

Pendant que le dos de saumon est servi, Ruth Ravet observe du couloir le ballet fluide du service en cours. Quelques minutes plus tard, à 21h20, alors qu’un magnifique ciel rouge dessine les contours du Jura que l’on aperçoit depuis la cuisine, Isabelle Ravet, venue en renfort ce soir avec son conjoint Douglas,
relève que «cela leur fera bizarre mardi quand le lieu ne se rallumera pas». Elle, elle recommencera comme d’habitude sa semaine à l’hôtel Panorama
à Mollens (VS) dont elle a repris la direction.

Quant à sa soeur Nathalie, elle se réjouit des dix jours de vacances à venir, mais admet que les émotions sont fortes depuis l’annonce de l’arrêt: «Il
n’y a pas un jour sans une petite larme, un mot d’un client».

Il est 22h passé, le dernier plat avant le fromage – l’entrecôte de Wagyu – est servi. La soirée a été intense, longue, mais «ça s’est très bien passé, comme
d’habitude», déclare Bernard Ravet. Guy Ravet confirme, il voulait une soirée conviviale. Entendre les invités échanger, rire, parler fort parfois, lui a fait plaisir.

Suite encore secrète

Et la suite? Si lui aurait aimé pouvoir annoncer le projet
qui l’attend dès octobre, on lui a demandé de patienter jusqu’en septembre. D’ici là, il faudra accueillir les éventuels acquéreurs de l’Ermitage
pour une visite, ranger, trier, décider quoi vendre et que garder.

Minuit s’apprête à sonner, les premiers invités sont sur le départ, des étoiles plein les yeux, le plus beau des mercis selon Ruth Ravet.
Emotion pour l’ultime service des Ravet à l’Ermitage